lundi, 28 avril 2008
L'art d'être laide, le 15 juillet 1957
C'est Marcelle Ségal qui le dit, dans ce ELLE du 15 juillet 1957 : Il y a un art d'être laide. Et ajoute-t-elle "je sais de quoi je parle".
Dès le début de ce long article de quatre pages, les choses sont posées : On parle beaucoup de la beauté. Dans les journaux, on ne voit qu'elle. La beauté, pourtant, n'est qu'un rare privilège, un rêve pour la plupart des femmes. La laideur, elle, est réalité. Cette compagne ennemie nous attend au fond de chaque miroir. Chaque femme a la sienne, petite ou grande, et en souffre plus ou moins. Toutes lui font une guerre qui n'est pas toujours victorieuse et qui, comme toutes les guerres, laisse le vaincu mal en point. Certaines femmes sont détruites par leur laideur. D'autres, bien plus laides qu'elles, se portent à merveille. Elles font une belle carrière, sont entourées d'amis et, pour combles, heureuses en amour. A croire qu'il existe un art d'être laide.
Marcelle Ségal décide dit-elle, de se prendre pour objet d'étude. Et se décrit, telle qu'elle prétend s'être soudainement découverte à 9 ans, dans la glace : Je détaillai le nez à deux bosses coupé net au bout, comme à la serpe ; la lèvre supérieure trop courte, découvrant des dents trop grandes et mal plantées ; un front accidenté, l'oeil exorbité, un laxillaire brutal, le tout coupé d'une broussaille couleur poussière.
Elle décrit ensuite comment, dans une société qui n'était pas encore obsédée par l'apparence (Marcelle Ségal, née en 1896, est morte en 1998, à 102 ans, après avoir tenu durant 40 ans et jusqu'en 1987, la rubrique Courrier du coeur de ELLE), la laide de jadis ne se sentait pas coupable de négligence, ni obsédée par sa laideur. Simplement malchanceuse. Son physique n'avait pas gagné à la loterie. Elle raconte que lorsqu'elle était âgée de 20 ans, un chirurgien rencontré dans la rue lui proposa de lui refaire le nez. Elle refusa, son fiancé (j'en avais un malgré mon vilain nez), informé de ce projet, ayant fait la grimace.
Marcelle Ségal évoque ensuite le caractère relatif de la laideur, continuant de se prendre pour exemple, évoquant son enfance à Roubaix. J'ai grandi en un temps où, pour être jolie, une femme se devait d'être petite et boulotte. Le type de la laide était une femme longue et mince. (...) J'en parle savamment. J'en étais une. A Paris, chose curieuse, on ne me trouvait pas plate. La mode, déjà changeait. A cette époque, elle voyageait lentement entre Paris et la Procince. A Paris je n'étais pas mal faite. Pour le devenir, je n'avais qu'à reprendre le train.
Détaillant ensuite les beautés des laides et les laideurs de belles, elle conclut : Une laide n'est peut-être qu'une femme qui ne sait pas discerner ses beautés, obsédée qu'elle est par ce qu'elle a de laid. Cette idée fixe lui ôte les moyens et bientôt jusqu'au désir déméliorer son apparence. C'est une obsédée, une vaincue. Tandis qu'une belle n'est peut-être qu'une femme de goût, capable d'apprécier à sa juste valeur son capital physique et de l'exploiter à fond. La laideur serait-elle plus psychique que physique ? Je le crois.
Et Gainsbourg et sa beauté cachée des laids, des laids, avait-il lu un jour Marcelle Ségal ?
Que font les femmes des coureurs automobiles du Mans pendant les 24 Heures ? Joli programme, elles angoissent, explique ELLE. Elles passent par toutes les couleurs, toutes les émotions. Katie Molson, fiancée de Stirling Moss, est bouleversée, Mme Flockhart est anxieuse, Mme David Murray est énervée, elle ne sait pas encore que c'est Roy Flockhart, l'un des poulains de l'écurie de son mari, qui va remporter l'épreuve.
Mme Fangio, photographiée avec son mari, est inquiète, Mme Shell est rassérénée, la voiture d'Harry Shell, son mari, est en panne, et Monique Lucas est triomphante, son mari est arrivé troisième sur Jaguar.
Pourquoi pas vous ? se demande ELLE. Non, il ne s'agit pas d'envoyer les lectrices piloter elles-mêmes les bolides, mais de se demander pourquoi ne pas porter une tenue de travail pour homme en vacances, pourquoi ne pas mettre un zeste d'orange sur sa robe blanche, pourquoi ne pas oser la roble dos nu.
Le bourgeon de boucher est en gros coton à tout petits carreaux, il est très ample et on le porte sur un short en toile.
La veste de pâtissier est blanche mais on peut la teindre et la porter ensuite sur pantalon rayé. Le blouson du cycliste, en molleton bleu se porte dans une petite taille sur jupe et ballerines.
Une pointe d'orange, de bleu tendre ou de vert mousse vient bousculer les trop sages robes blanches.
Le Bon Magique est un set de badminton qui se range dans une trousse de plastique havane (4.430 F pour un ELLE à 50 F, soit 203,78 € pour un ELLE à 2,30 €). Il s'accompagne d'une marinière en fil d'Ecosse (2.850 F pour la version manches longues et 2.550 F pour les manches courtes) et d'une jupe plissée en rhovylon, indéformable (3.750 F)
Paresseuses, pourquoi pas, sur des coussins faits par soi, grâce à Dunlopillo. ELLE fournit les explications nécessaires.
La broderie anglaise est exquise et ne coûte pas du tout cher. ELLE invite ses lectrices à en coudre sur leurs robes.
Ne dites pas : elles font 1930 ! cela vous vieillirait, vous l'aviez oublié. Les robes dos-nu sont flatteuses, ELLE en donne les explications.
Dans la palmeraie d'El Goléa, Annick et Jacques sont des pionniers amoureux. Ils vivent en plein Sahara et en sont émerveillés. On notera que Jacques s'est mis au sarouel.
Vivement lundi prochain !
10:37 Publié dans Ah, c'est ELLE... vintage ! | Lien permanent | Commentaires (26) | Tags : elle, magazines, vintage | 
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Commentaires
Écrit par : Anna | lundi, 28 avril 2008
Écrit par : Sasha la pin-up | lundi, 28 avril 2008
Écrit par : CECILE | lundi, 28 avril 2008
J'en mettais même pour aller bosser, c'est pour dire.
Mais bon j'avoue que je n'ai plus le dos de mes 20 ans, donc je le cache maintenant....
Écrit par : Fressine | lundi, 28 avril 2008
Écrit par : ersatz | lundi, 28 avril 2008
Moi, je sais pas, en même temps, j'aurais bien dit quelque chose de censé, mais je crois que je vais relire un peu le truc, pour pondre un truc intelligent.
Sauf que je me suis toujours posé la question si une mere se rend compte si son gosse est laid.
mais je crois que 'jai deja posé la question.
Et pis je sais pas, en fait, si, je sais, j'aime la broderie anglaise. Je vais en coudre sur mon combishort. En plus, ça fera combinaison de travail, pour peu que je couse du truc orange dessus, j'ai mixé toutes les astuces du Elle dans une tenue.
Écrit par : Camille | lundi, 28 avril 2008
Je crois que je ne connais personne de laid. De moche, oui, mais pas de laid. La laideur physique n'existe pas, je pense. Quelqu'un devient laid par des pensées, des attitudes, des paroles.
Gainsbourg, que tu cites si bien, ou bien encore, tiens, regarde Brel: pas un canon de beauté quand tu dissèques, mais tout mis ensemble, son talent, sa voix, sa gestuelle... il en devenait envoûtant.
Pour les femmes, c'est plus facile, tout un lot d'artifices permet de nous faire passer peut être pas pour belle, mais pour élégantes, originales, drôles...
Et puis, l'inverse peut être aussi vrai: il m'a suffit un jour de lire une ITW de Gisele Bundchen pour la trouver pas si belle que ça :)
Désolée pour ce com' si long, mais ça m'a toujours fascinée cette histoire de beauté/laideur... c'est tellement relatif ;)
Écrit par : benetie | lundi, 28 avril 2008
mais bien vu l'aveugle : les vieilles biques du elle d'aujourd'hui seraient sans doute bien incapables de nous pondre un article dans le genre.
Écrit par : milou | lundi, 28 avril 2008
Écrit par : sunny | lundi, 28 avril 2008
Moi je connais Steven Seagal!
Écrit par : M1 | lundi, 28 avril 2008
Tout dépend de l'importance que l'accorde à l'apparence physique…
Écrit par : nina de zio peppino | lundi, 28 avril 2008
Est ce que Violette serait sa descendante dans Wow? ;)
Écrit par : Maquettes | lundi, 28 avril 2008
Je vois la laideur dans les paroles, le manque de savoir vivre et la façon d'être d'un Homme!
La laideur physique n'est qu'un détail et elle peut être fascinante des fois!
Écrit par : ithaa | lundi, 28 avril 2008
@Sasha la pin-up : ce ELLE était pour toi, donc !
@CECILE : c'est vrai qu'on en voit plus trop. Avec le retour des 70's, on va les revoir, non ?
@Fressine : plus le dos de tes 20 ans ? Non mais tu déconnes ? Qu'est-ce que tu lui reproches, au juste, à ton dos ?
@Ersatz : et c'est pas facile, le sarouel. Bravo, Jacques !
@Camille : mes enfants sont très beaux. Si, si, c'est vrai. Et j'aime aussi la broderie anglaise.
@Benetie : pour les femmes c'est plus facile grâce aux artifices, mais on est plus indulgent avec les hommes (sur la bedaine, les cheveux blancs, les rides et j'en passe), alors... La laideur plus psychique, ça me parle. Et la laideur liée à l'attitude, aussi !
@Milou : Marcelle Ségal n'a pas été remplacée.
@Sunny : tu as croisé Jean Lucas ?!
@M1 : t'aimes pas les vestes roses ?
@Nina de zio peppino : comme quoi Marcelle a raison ! Et c'est très relatif, c'est ce qu'elle montre bien. Suffit de reprendre le train...
@Maquettes : moi aussi, je me souviens de Marcelle, quand elle répondait encore au courrier. Quel humour... Et Violette, faut que je lui demande son avis, mais c'est une belle référence. VIOLEEEEEETTE ?
@Ithaa : cette article est fabuleux, je ne pouvais pas tout recopier, mais il est fabuleux.
Écrit par : frieda l'écuyère | lundi, 28 avril 2008
Ce numéro était dense dis-donc et je continue de trouver qu'ils sont souvent plus intéressant qu'aujourd'hui, pas difficile tu me diras...
Écrit par : Mathilde | lundi, 28 avril 2008
Écrit par : sunny | lundi, 28 avril 2008
Sinon, j'aime définitivement les 50's... c'est moins triste que les 60's avec la condition des ménagères et des maris-pipes-charentaise-journal-chien !!
On ressent un sursaut de condition féminine... ça fait belle époque ;) c'est marrant comme ça déchante une décennie plus tard !?
Écrit par : mariga(z) | lundi, 28 avril 2008
@Sunny ; non, je ne l'ai pas croisé, je trouvais juste intéresssant que tu l'aies connu.
@Mariga(z) : ma perception diffère de la tienne ! Je crois pas que c'était plus joyeux dans les 50's. D'ailleurs, la galerie de femmes qui fait tapisserie au bord de la piste des 24 Heures me paraît édifiante. Certaines n'ont même pas de prénom, juste un Mme prénom + nom de leur mari. Je crois au contraire que ça tombait tellement sous le sens, cet "ordre des choses" dans les 50's, que ELLE faisait l'impasse. Dans les 60's, on a commencé à évoquer le quotidien pas drôle de la ménagère justement parce que l'armure se fendillait, avant même l'explosion de 68. Donc, mon interprétation, qui vaut ce qu'elle vaut, c'est qu'il y a eu dans les 60's une prise de conscience, et qu'on en était encore très loin dans les 50's...
Écrit par : frieda l'écuyère | lundi, 28 avril 2008
Écrit par : francoisehavan | lundi, 28 avril 2008
Et le concept développé par Béné, sur la laideur intérieure, liée aux gestes et tout, ça me plait beaucoup!
Écrit par : Camille | lundi, 28 avril 2008
@Camille : merci Béné !
Écrit par : frieda l'écuyère | mardi, 29 avril 2008
Écrit par : zabou | mardi, 29 avril 2008
Merci^^
Écrit par : Scheharazade | mardi, 29 avril 2008
@Scheharazade : et il reste si actuel !
Écrit par : frieda l'écuyère | mardi, 29 avril 2008
les illstrations sont adorables et je me dis que si Françoise avait lu ton post sûre qu'elle aurait aimé!
FORCEMENT!
Écrit par : lavieenrouge | mardi, 29 avril 2008
Écrit par : frieda l'écuyère | mardi, 29 avril 2008
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