mardi, 02 septembre 2008
Mère et fille, tout un roman
Sonia et Nathalie Rykiel.
Héroïnes d'un vrai/faux roman ? Elles en ont certes l'étoffe.
C'est ce qu'a perçu Eliette Abécassis, qui les a regardées (et écoutées) travailler et vivre. Et en a fait un livre. Un roman, donc, annonce le titre : Mère et fille, un roman.
Ou comment, partant d'un excellent sujet, écrire un bien mauvais livre.
La mère. La fille.
La fille. La mère.
La mère et la fille.
La mère, la fille. Et, soudain, au bout de 40 pages, Nathalie, puis Sonia.
N'est pas Marguerite Duras qui veut.
Je n'ai pas été déçue par ce livre, que j'ai fait l'effort de lire jusqu'à la dernière page. Je n'attendais pas grand-chose d'autre que ce que j'y ai trouvé, hélas. Rien appris sur les deux Rykiel, pour avoir déjà lu la biographie publiée il y a quelques années par Carmen Castillo et Evelyne Pisier et L'envers à l'Endroit, écrit - et tellement mieux ! - par Sonia Rykiel elle-même.
Qu'en ont-elles donc pensé, les deux héroïnes, de cet ouvrage qu'elles ont paraît-il lu avant publication, sans, ou presque, rien trouver à y changer ? Un sujet singulier et un verbe au pluriel, soit passe encore, même si un bon correcteur orthographique devrait permettre d'éviter ce genre de bévue. Un malheureux croire dans croisé au détour d'une phrase, voilà qui est pour le moins disgracieux : je crois encore, pour ma part, en la langue française. Et aussi en la concordance des temps, sans doute une déformation professionnelle. Je ne parviens pas à y voir un effet de style.
Qu'ont-elles bien pu en penser, donc, Sonia et Nathalie ? Se sont-elles dit avec une pointe de cynisme qu'après tout, qu'importe, puisqu'une fois de plus on parle d'elles, encore et toujours érigées en figures de proue de la mode à Paris ?
Ont-elles préféré n'émettre aucun jugement sur la "qualité" littéraire de la chose, sachant trop bien qu'il aurait en réalité fallu tout reprendre ?
Aucun intérêt sur la forme et bien peu sur le fond. Quelques idées reçues sur la pseudo-toute-puissance de la figure maternelle, une relecture sommaire et hâtive de la Psychanalyse des contes de fées de Bettelheim. Des postulats balancés de manière péremptoire. Dans une interview accordée à ELLE il y a deux semaines, Eliette Abécassis semble croire en l'universalité de son modèle. Je ne reconnais pas ma mère en cette mère-là, je ne me reconnais pas dans ce livre en tant que mère, ni en tant que fille, je n'y retrouve pas ma fille non plus.
Pas plus que je ne m'y reconnais dans mon rapport à la mode et au vêtement, plus généralement. Qu'on en juge avec cette typologie simpliste, exposée p 78-79 :
Et puis il y a ces insupportables phrases toutes faites dignes de propos de café du Commerce...
P 51 : La mort des parents est quelque chose de naturel, c'est celle des enfants qui ne l'est pas.
P 77 : A travers la façon dont on s'habille, on dit tellement de choses sur soi.
Tant de clichés alignés, tant de portes ouvertes enfoncées : ton accordéon me fatigue, Eliette.
Vite écrit, vite lu, vite oublié, voici un pur produit de rentrée littéraire. Rentrée, assurément. Littéraire, c'est à voir.
PS1 : sur la pratique de plus en plus répandue consistant à présenter en bandeau le joli minois de l'auteur d'un ouvrage, je m'étais déjà exprimée ici.
PS2 : sur l'invasion de la sphère culturo-médiatico-politique par les filles (et fis) de, je me suis également exprimée là, même si le cas des Rykiel me semble très particulier, en ceci qu'il me rappelle un peu les enseignes "Père et fils" de jadis...
PS3 : concernant Eliette Abécassis, j'avais apprécié qu'elle s'exprime quelque peu à contrecourant de la saoûlante et omniprésente glorification maternelle lors de la sortie de "Un heureux Evénement", l'un de ses précédents ouvrages, guère meilleur sur la forme mais davantage intéressant sur le fond, quoique caricatural.
13:51 Publié dans C'est que mon avis | Lien permanent | Commentaires (31) | Tags : mode, rykiel, abecassis, elle | del.icio.us | Facebook
Commentaires
Ahhh ... Tu me rassures. J'avais mauvaise conscience de ne pas vouloir l'acheter pour être déçue par moi-même, tant cela me semblait hyper casse-gueule ... Je zappe sans états d'âme. Il y a tellement d'autres choses pour cette rentrée littéraire. Je vais forcément trouver matière à enchantement ailleurs. Merci pour cette chronique ;o)
Écrit par : Catherine | mardi, 02 septembre 2008
Je n'ai jamais lu cet auteur,j'ai lu l'interview de Elle y'a 2 semaines et je me suis dit que le livre devait être mauvais...C'est pas bien d'avoir des préjugés...mais si tu les confirmes ça va mieux ;-)
Cet extrait est franchement pas terrible en tout cas.
Et je ne sais pas ce que tu as dit sur les auteurs qui montrent leur joli visage en couverture,mais le visage de madone d'Abécassis m'a interpellé.C'est comment dire...ben un peu racoleur en fait.
Écrit par : Marmotte | mardi, 02 septembre 2008
Ma petite Eliette, te voici habillée pour l'hiver...
L'extrait que tu cites me fait penser aux résultats des tests dont les journaux féminins nous abreuvaient à une époque : dis moi comment tu te fringues et je te ferais économiser une psychanalyse (mais pas les poncifs vieillots et éculés qui vont avec) : "... il y a des talons qui brisent des coeurs", "La robe au pouvoir érotique permet d'être libre..."
Au secours !!!
Next ?
Écrit par : april22 | mardi, 02 septembre 2008
Elle devrait penser à se tourner vers la maçonnerie, rapport à la finesse de son écriture. Une honte.
Il y a aussi le cas Angot.
La littérature construit et invente des histoire, des fictions. Les écrivains travaillent. Ils ne se répandant pas.
La photo du bandeau de style musée-Grévin est à mourir de rire !!!
Écrit par : rosemary | mardi, 02 septembre 2008
Très bonne chronique. Je suis tout simplement rassurée, je n'avais pas envie d'acheter ce bouquin, un pressentiment peut être...Mais là l'effet inverse vient de se produire, il faut que je le lise ce bouquin( ce torchon?)...
Écrit par : ithaa | mardi, 02 septembre 2008
Et bien je crois que je vais allée faire un ptit tours cher le libraire....
Écrit par : mamzelle lili | mardi, 02 septembre 2008
zut! j'avais envie de le lire ce bouquin mais là, vu comme tu casses...
Bon, moi aussi j'avais bien aimé un "heureux événement" et je m'attendais à une belle analyse de la relation mère-fille... crotte!
En tous cas, beau coup de gueule ma Fri' :)
Écrit par : benetie | mardi, 02 septembre 2008
Ouh la la, c'est ce que j'appelle de la critique...
Explosif!
J'ai lu une bio absolument ridicule sur Oscar Wilde et son amant Bosie il y a quelque temps, et moi aussi j'etais en colere.
Encore des critiques please!
Écrit par : Mathilde | mardi, 02 septembre 2008
Tu n'y vas pas de main morte ! Alors comme ça, ABK6 ne s'est pas foulée? Et je vois que tu abordes la rentrée avec un esprit critique. Tant mieux, c'est aussi pour ça que je lis ton blog tous les jours!
Quand au livre, pour ma part, pas vu, pas lu (je n'étais même pas au courant de sa sortie, j'ai un problème de routage avec ELLE et dans ma maison de la presse, en ce moment, c'est plutôt fournitures scolaires). Je me demande donc, comment aurais-je trouvé le livre si je l'avais lu avant de lire ta critique. Je l'aurais acheté les yeux fermés, misant sur Albin Michel (il y a pire) et ABK6. Aurais-je relevé les fautes d'orthographe? Peut-être pas (ce n'est pas mon fort), j'avoue n'avoir pas lu "l'envers à l'Endroit", donc j'aurais été vierge de toutes comparaisons.. . Tu vois, j'aurais fait une lectrice épatante pour ABK6. Je me serais juste dit que aujourd'hui les gens sont moins exigeants, la preuve: on met Lévy en tête de rayon.
Écrit par : isabelle | mardi, 02 septembre 2008
Ah, je suis fan de la dynastie Rykiel depuis tellement d'années. Je portais déjà les pulls à l'envers au lycée!
Écrit par : Anne | mardi, 02 septembre 2008
Tiens, je découvre ce blog, et pof, le titre, doucement le matin, pas trop vite l'après-midi, c'est aussi mon leitmotiv ! ca alors !!
a mon avis on est jumelles.
Ou alors je suis jumelle avec le reste de l'humanité. A voir.
Écrit par : marionfizz | mardi, 02 septembre 2008
hé bien, on peut dire que c'est clair, net et précis !
Écrit par : solenne | mardi, 02 septembre 2008
Fri, c'est foutrement ennuyeux : je viens de mettre des boules coco au micro ondes.
donc, je peux même pas tout lire.
mais comme j'aime à la fois ma mère, les Rykiel, et tes critiques, je reviens une fois fini de boulotter mon dessert!
Écrit par : Camille | mardi, 02 septembre 2008
bon, que sonia ne se trouv pas belle, je comprends, mais nathalie?
Pour ton PS1 frifri, chez les libraires j'ai vraiment l'impression d'être dans facebook!
Écrit par : M1 | mercredi, 03 septembre 2008
bon ben je crois que ton avis sur ce livre me laisse dubitative en ce qui concerne sa lecture!!
Écrit par : au pays de candy | mercredi, 03 septembre 2008
@Catherine : oui, il y a sûrement mieux ailleurs ! Mais je voulais le lire, tout en me doutant de la cata.
@Marmotte : racoleur, c'est exactement ce que je ressens aussi.
@April 22 : c'est du même niveau que les tests, lesquels ne postulent pas pour la "rentrée littéraire".
Rosemary : ah, Angot... Elle au moins, elle arrive à me faire rire.
@Ithaa : tu es sûre ?
@Mamzelle Lili : lis-le sur place !
@Benetie : l'Evénement n'était déjà pas bien écrit, mais le propos jetait au moins un pavé dans la mare.
Écrit par : frieda l'écuyère | mercredi, 03 septembre 2008
Les livres mis trop en avant ne sont pas de bons livres en général...Mais la mode! la mode! la mode! Mais on n'invente rien. ON N'INVENTE RIEN. Dans des magazines parus il y a 20 ans il n'y a aucune différence. Je vais présenter un collage sur mon blog fait il y a 18 ans, on dirait que le mannequin est un mannequin de 2008. Je n'ai vu qu'une femme bien habillée à Paris la semaine dernière. Une seule! Elle devait avoir plus de 50 ans. Mais la mode fait vendre. Mieux vaut garder ses sous.
Écrit par : lavieenrouge | mercredi, 03 septembre 2008
@Mathilde : faudrait déjà que je lise davantage, pour les critiques...
@Isabelle : quoi, tu n'as plus ELLE ? Je ne sais pas si les lecteurs sont moins exigeants, mais certains auteurs ne le sont clairement pas. Et les éditeurs non plus.
@Anne : les Rykiel méritaient tellement mieux !
@Marionfizz : toi, faut que j'aille te rendre visite !
@Solenne : ouais, hein ?
@Camille : a y est ?
@M1 : Nathalie a une mère qui dit d'elle qu'elle est "une beauté de pas tous les jours"... Facebook ? Il y a de ça.
@Au pays de Candy : je crois qu'elle est dispensable, la lecrure...
Écrit par : frieda l'écuyère | mercredi, 03 septembre 2008
@Lavieenrouge : Sonia Rykiel a inventé, elle, et c'est ce qui la rend si intéressante. J'ai hâte de voir ton collage.
Écrit par : frieda l'écuyère | mercredi, 03 septembre 2008
Tu n'es pas la première à donner un avis très critique sur le livre. Je n'avais pas vraiment envie de le lire de toute façon, les histoires méres-filles sont souvent affublées de stéréotypes que tout le monde croit applicables à toutes. Or pour moi chaque relation a sa particularité. Je n'aime pas quand on met les gens dans des cases.
Quand à la photogénie pour être publié, je n'avais pas vu ce billet, mais bon dieu que c'est vrai!!
Écrit par : Foley | mercredi, 03 septembre 2008
Merci merci pour ce billet, qui fait du bien aux neurones tout en restant d'une exquise objectivité.
De plus en plus, je comprends pourquoi j'ai beaucoup de mal avec de nombreux auteurs contemporains (depuis 15 ans...) français ou autres d'ailleurs.
L'écriture, la belle, le beau style ont disparut, l'intérêt du récit.
On se tourne vers soi, en soi, on se dénude, on s'expose, parfois trop et souvent sans talent. De nombreux auteurs l'ont fait pas le passé, avec succès. Attention, je suis loin de dire que tous les auteurs contemporains sont mauvais, et heureusement !
Mais, pour travailler dans le monde de l'édition, ej suis vraiment surprise de ce que j'y découvre, des ego, des manifestations.
Le livre est un produit commercial comme les autres, comme l'huile ou les éponges, pour certains éditeurs : il faut vendre, marketer à mort...
Merci pour cette critique constructive et douce.
Écrit par : eveange66 | mercredi, 03 septembre 2008
et bien, tu n'y vas pas de main morte! ca fait du bien en même temps une critique construite. en effet, l'extrait ne me donne pas vraiment envie de le lire, je vais aller me replonger dans Dalva de Jim Harrison.
et tu as vu, il y a une expo Rykiel en novembre à Paris!
Écrit par : may | mercredi, 03 septembre 2008
Nathalie "une beauté de pas tous les jours"?!? qu'on "enfile" à l'occasion c'est ça?
je pense que Sonia dit une grosse connerie, sa fille est une beauté de tous les jours, par contre Sonia, elle, c'est une beauté du 32 du mois! :)
Écrit par : M1 | mercredi, 03 septembre 2008
@Foley : et alors là, questions stéréotypes, on est servi !
@Eveange66 : merci pour ton comm', en lisant ce livre j'ai pensé justement à ceux qui bossent dans les maisons d'édition, ceux qui ont vue sur les coulisses de ce qui n'est pas toujours un exploit...
@May : eh oui, 40 ans déjà la maison Rykiel. Plus passionnante que le livre, j'espère, l'expo !
@M1 : c'est une gentillesse de sa mère, qui ne fut sans doute pas une beauté de tous les jours non plus. Et qui est tout de même désormais, disons les choses, une vieille dame. Mais j'adore la formule.
Écrit par : frieda l'écuyère | mercredi, 03 septembre 2008
moi qui me disait 'pourquoi pas' ... je n'apprecie vraimet pas les livres qui accumulent les banalites. donc merci de me faire gagner du temps :)
Écrit par : cecile | mercredi, 03 septembre 2008
Non seulement les pages mode du ELLE sont de moins en moins inspirées mais en plus ils ne se rattrapent même plus sur les pages litteraires - j'avais lu l'interview d'ABK6 qui ne m'avait vraiment pas inspiré mais je m'étais dit que peut être elle ferait mieux que ses précédents bouquins et non ! En tout cas merci Frifri pour ton billet objectif et illustré de morceaux choisis qui m'ont laissé perplexe sur ce qu'est un écrivain aujourd'hui ! Il y a quelques années, il y avait les romans dits "de gare" et les autres plus ou moins bons(je schématise) et on savait à quoi s'attendre - maintenant on essaie de nous faire passer un marc Levy pour un grand écrivain alors que ses bouquins sont du niveau Harlequin
Écrit par : yza | mercredi, 03 septembre 2008
Bon, ben moi qui avait envie de le lire.. hé oui, il faut que je travaille sur le rapport à ma mère parait-il!! Alors ce livre me semble approprié, mais si tu dis non.... ben alors je vais retourné lire "Le livre de ma mère" de Cohen, une merveille, un indispensable de toute une vie
Écrit par : Material Girl | mercredi, 03 septembre 2008
(oui, les boules coco étaient bonnes)
Et concernant le fond du billet.... j'avais bien aimé un heureux événement, c'est pour ça que je tenterais peut etre de lire quand même un bout de celui ci.
parce que j'aime quand même Sonia Rykiel, qui représente beaucoup pour moi!
Écrit par : Camille | mercredi, 03 septembre 2008
@Cécile : je crois que tu perdras rien à ne pas le lire !
@Yza : je suis loin d'être une férue de littérature, mais pas besoin pour voir qu'il y a foutage de gueule.
@Material girl : ben je devrais peut-être le lire ?
@Camille : moi aussi, je l'ai lu pour Rykiel, mais c'est plus frustrant qu'autre chose.
Écrit par : frieda l'écuyère | jeudi, 04 septembre 2008
J'ai lu "Mère, fille...", j'en suis sortie, ma foi, ... en revanche, j'ai lu "La jeune fille et la mère", il s'agit de l'histoire d'une mère nommée La Jeanne d'Arc des djebels... (tiens Rykiel, Djebels, belle rime) un roman autrement plus universel, émouvant, fort, il est en pche, précipitez-vous, c'est excellent, une histoire exceptionnelle par son côté "on s'y retrouve toutes, et tous..." ça, c'est de l'universel.
Écrit par : marsal | mercredi, 24 septembre 2008
100 % d'accord avec vous. Le titre est racoleur, le contenu est bien ciblée, convenue et sans surprise. Roman pseudo analytique du rapport mère fille dans le milieu de la mode qu'on prend soin de ne pas remettre en question sous peine de ne pas vendre son livre ! Chouette, on découvre que même les femmes riches souffrent autant que les moins nanties !
Écrit par : Mutsuko | jeudi, 21 mai 2009
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