lundi, 16 mai 2011
En fera-t-on un jour le tour ?
Aujourd'hui, ici, c'est rediff'.
Pourquoi ? Parce que j'ai la flemme. Parce que je me suis souvenu, à la faveur des derniers développements tragi-comiques de l'actu, avoir publié un jour sur ce blog une photo de DSK. Sur laquelle le moins qu'on puisse dire est, que, même sans menottes, il n'apparaissait pas à son avantage.
Cette étrange initiative m'était venue en conclusion d'un billet sur les "rondes". Pour exprimer, en gros (ah, ah !) qu'on était souvent bien plus indulgent avec le pouvoir de séduction des mecs, quant aux critères d'âge et de physique. Je suis allée relire le billet en question, intitulé "Autour des rondes tournons en rond", qui date d'il y a deux ans (12 mai 2009) et me suis dit que, indépendamment du sort de DSK, il risquait de demeurer encore d'actualité un moment.
Je le remets donc en ligne, d'une part parce qu'il renvoie également à un excellent documentaire diffusé dernièrement sur Arte, intitulé "Opération bikini" et qui m'avait inspiré, il y a deux semaines, une de mes notes pour Brandalley. D'autre part parce que j'aborderai ici de nouveau prochainement le sujet, sous un angle différent.
En attendant, il y a deux ans, donc :
Autour des rondes, tournons en rond
Entre deux numéros sur les régimes, régimes, régimes, chaque printemps, la presse féminine sort un numéro sur les rondes, rondes, rondes.
Sauf que cette fois, ça a tourné moyen rond, les rondes, pour ELLE.
Quelques semaines à peine après les stars soi-disant sans maquillage, ELLE s'est retrouvé au centre d'un gros buzz dont il n'est pas certain qu'il ait véritablement été recherché. Mais c'est quoi, ces rondes qui font à peine une taille 40 ? s'est-on insurgé sur la blogo. Et pas que sur la blogo, sur le site du magazine aussi, qui propose l'article en ligne. A ELLE, on aurait réagi en supprimant les comm's mettant en cause ce choix de rondes qui ne tournaient pas si rond, m'a alertée Mariga(z). Ce qui, en plus d'être très vilain (à quoi bon ouvrir des comm's si c'est pour les censurer ?) est surtout très maladroit (après tout, on peut toujours les modérer et dans ce cas, quand on en supprime, ça ne se voit pas).
J'ai suivi l'affaire de loin en loin avec un sentiment de malaise allant grandissant, pardon grossissant. Et j'ai soupiré d'aise lorsque j'ai lu le billet de Manu sortant de ses gonds au sujets des régimes, mon point de vue sur la question étant le même que le sien.
Côté ELLE, j'ai pourtant eu le sentiment qu'on partait d'une bonne intention, montrer qu'on peut ne pas afficher des mensurations de filles de podium (d'ailleurs, qui affiche des mensurations de filles de podium à part les filles de podium ?) et s'amuser avec la mode, même si qualifier les modèles retenus de rondes était pour le moins aller vite en besogne. Quant au panel choisi, c'est peu dire que d'affirmer qu'il n'était guère diversifié : trois filles, toutes parisiennes, de la même tranche d'âge (25, 26 det 27 ans !) de la même catégorie socio-professionnelle et affichant une taille allant du 40 au 42, allez, peut-être 44 pour l'une d'entre elles.
Côté critiques, j'ai aussi eu le sentiment que tout partait d'une bonne intention. On regrettait simplement qu'en lieu et place de véritables rondes, ELLE présente des filles normales.
Des filles normales ? Je me suis livrée à un petit montage. A gauche, une égérie de podium, défilant chez Louis Vuitton, au centre, une ronde selon ELLE, à droite Anne Zamberlan, disparue il y a une dizaine d'années et qui jeta il y a un vingt ans un - gros - pavé dans la marre notamment avec une pub pour Virgin. Laquelle est une fille normale ? En désigner une reviendrait à dire que les autres ne le seraient pas ?
Où placer le curseur ? A partir de quelle taille/poids est-il politiquement correct d'être qualifiée de ronde ?
Et d'ailleurs, combien de fois ai-je entendu des filles dites normales du genre de celles présentées dans ce fameux ELLE - voire plus minces - regretter leurs éternels trois kilos en trop (lesquels vont généralement s'additionnant au fil des ans, grâce au pervers phénomène post-régime appelé effet yoyo) ? En trop par rapport à qui ? En trop par rapport à quoi ?
Alors même que ça polémiquait sec sur les rondes pas assez rondes de chez ELLE, Marie Claire et Biba n'allaient pas laisser de côté le phénomène de saison. Dans sa rubrique beauté, le premier nous tartine de crèmes et bonnes résolutions en tout genre, illustrant cet article plein de rondeurs à sublimer avec un mannequin lambda aux formes certes harmonieuses mais ne répondant certainement pas à ce que seraient censés être les critères définissant la ronde et dont on ne sait d'ailleurs même pas ce qu'ils sont.
Le second titre sur ce corps qu'on devrait adorer, de la taille 36 à la taille 46. Sous-entendu, à partir de la taille 48, ma fille, on ne peut plus rien pour toi, tu te démerdes pour perdre du poids ou tu vas te cacher.
Plus fort que ELLE, Biba a invité quelques femmes de la vraie vie à poser nues. Pas la moindre taille 46 dans ce panel de six femmes âgées de 26 à 43 ans, plutôt minces, qui se distinguent essentiellement par la taille... de leur soutien-gorge, du 85 A au 90 D, nous apprend-on.
Pour emballer et peser le tout, des conseils usés jusqu'à la trame du jean, quelques frusques posées à plat et de la pipeulette affichant éventuellement un petit 42 les jours de grand lâchage. Comme d'hab'.
Tellement comme d'hab', tout ça, que c'est une Monica Belluci encore plus photoshopée que sur les pubs Dior - à croire que c'était possible - qui fait la couv' de ce Marie Claire dans lequel un bon docteur dit qu'il faut arrêter de mentir aux femmes. Un témoignage supplémentaire, s'il en était encore besoin, de cette sorte de réflexe pavlovien des rédactions mettant en équation : ronde = gros seins = Bellucci.
Je ne fais pas de régime, je ne me pèse jamais, je m'arrange avec la taille 40 qui est demeurée la mienne depuis mes 18 ans, je remercie les dieux de la génétique qui ont été cléments avec moi tout comme ils l'ont été avec mes parents et leur fais une petite dévotion au passage dans l'espoir de ne jamais afficher 20 kilos de plus. Ni même 10. Ni 5. Pourquoi ? Parce qu'il me deviendrait alors impossible de m'habiller comme je l'entends. Parce qu'il me faudrait oublier les virées chez Zara et chez bien d'autres, oublier le perf' Iro acquis en taille 3, la taille maxi, et sous lequel je ne risque pas de glisser un jour un pull qui ressemble à un pull. Les magazines ne sont pas seuls en cause, il serait bon, aussi, de se pencher sur les pratiques de l'industrie textile...
Et pendant que chez les filles on se prend la tête, la presse masculine causant - un peu - mode se regarde moins le nombril et se soucie bien davantage de la profondeur de bonnet de Laetitia Casta que du tour de taille de son lectorat. Pendant que chez les filles on sort sa loupe pour déterminer l'épaisseur exacte des bourrelets des cobayes de ELLE, le malheureux DSK, ses poches sous les yeux, sa bedaine, ses cheveux blancs et son âge respectable, pour le dire gentiment, traîne son étrange réputation de serial séducteur censé tirer tout ce qui bouge sans que cela passe deux minutes pour une légende urbaine au vu du portrait du monsieur (avec tout le respect que je lui dois).
Allez, je vous laisse, je vais de ce pas reprendre un carré de chocolat.
10:05 Publié dans C'est que mon avis | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mode, minceur, dsk, elle, marie claire, biba | del.icio.us | Facebook
Commentaires
Il y aurait tellement à dire ! Et bien plus encore à faire ... J'admire ta constance à dénoncer ces moulins à vent. Comme si la beauté féminine devait (pouvait ?) être objective et normée, comme si la séduction était unique, pire, comme si la séduction était liée au physique et à la beauté physique, comme si la valeur et la beauté de la diversité était abolie. Quel temps et quelle énergie perdus alors que le plus important c'est de vivre pleinement ici et maintenant ...
Écrit par : Catherine | lundi, 16 mai 2011
Ce mec est "disgusting" et grand merci à lui de débarrasser le plancher ... Quant aux moelleux des rondes longue vie à elles, chacun ses goûts, la peau sur les os n'a rien d'érotique !
Écrit par : Sunny Side | lundi, 16 mai 2011
Chère Frieda! Déjà deux semaines qu'on est rentrées de Hyères (la prochaine fois je m'installe).
A propos rondes et de minces, tout est relatif. On nous montre quelque chose et ça devient normal. Imagine qu'en Calabre les gens se moque de moi - ouvertement - pour ma trop grande "maigreur" (jamais fait un régime moi non plus). C'est sur que là-bas, si tu fais une taille 36-38 ou meme 40-42, ça veut dire que tu as 15 ans et que tu n'as pas encore eu le temps d'engouffrer tout ce que cuisine ta mamma.
Sinon pour essayer de répondre à la question qu'est-ce que la normalité, je dirais que c'est la bonne santé, non? Une fille qui a des carences ou une qui ne peut pas se déplacer rapidement, ça fait penser à la maladie, et - pardon pour ce commentaire cru - ça ne fait pas "bonne reproductrice". Pareil pour les gens qui ont l'air fatigués, qui ont le teint terne, etc etc, je crois qu'il faut avoir l'air de ne pas aller trop mal pour etre agréable à regarder.
Pour cette raison je renonce à publier un tas d'articles sur les défilés parce que je ne réussis pas à commenter avec enthousiasme des vetements portés par des filles à qui j'ai envie de cuisiner un bon gros plat de pates pour leur redonner des forces!
Écrit par : L'armadio del delitto | mardi, 17 mai 2011
@Catherine : moi, ce qui me chagrine, c'est le nombre de filles qui se gâchent la vie pour pas grand-chose. Parce que ici et maintenant, certain(e)s ont plus de mal que d'autres...
@Sunny : rien d'érotique, non, mais on nous la vend à tour de bras...
@L'armadio : tu sais que tu me donnes envie d'un bon plat de pâtes ? :) J'arrive pas à refaire surface depuis Hyères. Mais suis ravie de vous avoir rencontrées avec Eudoxie. Vivement le prochain festival !
Écrit par : frieda l'écuyère | mercredi, 18 mai 2011
Que j'ai aimé te lire ! bel article analytique et concis à la fois !!! je fais partie des menues vois tu, j'ai pas varié d'un kilo depuis l'adolescence et cela m'a toujours désespéré, je me trouvais pas féminine du tout ! N'est ce pas le propre des femmes de se foutre la pression anyway (les hommes sont plus indulgents avec nous) ? Même si les mags parlaient de toutes les silhouettes, les complexes seraient là car assumer sa féminité quelle qu'elle soit, demande un travail sur soi qui se fait dans sa vie et pas avec un mag je pense ! ok il pourrait accompagner cette démarche un peu mieux. Mais comme le but est le rêve esthétique en presse et communic. marketing, la question reste : la société est elle prête à acheter des fringues présentées sur des femmes de tous les styles et silhouettes ? ce serait la preuve d'une grande sagesse... possible çà ?? ;-) et encore faudrait-il que les marques pensent leur collection avec des modèles qui valorisent les petites, grosses et énormes rondeurs.
En bref : Dieu que c'est compliqué ! à côté une gradation (placement des coutures de toutes les tailles sur un patron) c'est l'enfance de l'art !
Écrit par : louvero | vendredi, 20 mai 2011
Ce qui est énervant et idiot, c'est ce truc de la beauté unique! Un seul type de beauté mis en avant alors que la vie est plus riche et plus complexe que ça. Je ne lis plus les féminins, je préfère les blogs comme le votre qui réfléchissent de manière indépendante et sont plus proches de ce que sont les femmes!
Écrit par : emma | jeudi, 02 juin 2011
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