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lundi, 13 mai 2013

Le Bangladesh, arbre qui cache une forêt de contradictions

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Voilà un billet demeuré en gestation plusieurs jours. Le temps de prendre du recul - de tenter de le faire du moins - le temps de lire sur l'Express Styles le billet de Stelda, puis celui de Géraldine sur Café Mode, le temps d'exhumer l'édifiant reportage sur l'usine Foxconn d'il y a quelques mois, où sont fabriqués les iPhone 5 (selon le principe de l'info qui veut qu'un drame chasse l'autre, des filets anti-suicides d'une usine chinoise à l'immeuble effondré du Bangladesh...).

Ce n'est pas seulement l'industrie textile, qui est en cause, c'est tout un système économique qui inclut denrées alimentaires, automobile et nouvelles technologies.

Comme le rappelle Géraldine, reprenant les propos de Suzy Menkès, il n'est pas moral d'acheter une robe ou un maillot de bain coûtant le prix d'un capuccino. Oui, à ce titre, la pub H&M entraperçue ce week-end, faisant la promo d'un haut de maillot à moins de 5 euros est choquante.

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Mais le point de départ de mon billet, ce n'est pourtant pas un maillot à 5 euros, mais une simple tunique.

En viscose.

Fabriquée en Chine.

Et vendue 130 euros.

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Pardon ?

130 euros ?! Soit plus de 800 F, pour ceux à qui cela dit encore quelque chose...

Elle est vendue sur le site d'American Vintage, mais pourrait tout aussi bien sortir de la même usine et être proposée au même prix, voire encore davantage, par bien d'autres marques.

A ce prix-là, je pensais qu'elle était en soie. Mais même en soie, cela changeait-il en soi quelque chose ? A 130 euros, cela resterait cher du gramme, ce genre de came.

Il y a maintenant bien des années, je me souviens, pour avoir étudié dans l'une des meilleures écoles qui soient, que la marge moyenne dans le prêt-à-porter était de 2,2. Les marques commencaient alors à peine à créer leurs propres boutiques pour supprimer des intermédiaires et faire plus de profits.

Quelle est la marge d'American Vintage, lorsqu'elle écoule, via son site internet et donc sans même avoir recours à une boutique "en dur" avec les coûts afférents, sans intermédiaires, sa tunique en viscose fabriquée en Chine ? Je ne travaille pas dans le secteur de la distribution et peine donc à donner un chiffre dont je me doute cependant qu'il est proprement, si je puis dire, ahurissant.

J'apprécie les produits de chez American Vintage, que j'achète systématiquement en soldes et au minimum à 50 %, et ce n'est pas ici la marque en particulier que je vise mais l'ensemble d'un système.

Le petit top en lin de chez Monoprix, tellement Marant style, que j'ai acquis pour une vingtaine d'euros chez Monoprix et dont la photo ouvre ce billet, n'est pas davantage "moral". Monoprix se fait moins de marge qu'American Vintage. Mais écoule davantage de marchandises.

Les lois de l'économie mondialisée sont impitoyables. Et partout à l'oeuvre. Qu'il s'agisse, donc, de textile, d'alimentation ou de smartphones.

A moins d'aller soi-même tondre le mouton au vert pour en filer puis en tricoter la laine, je ne vois pas comment l'on pourrait échapper à ce diabolique système, les lois régissant le made in France ne garantissant pas qu'il le soit à 100 %.

Par ailleurs, je ne peux non plus perdre de vue, à vivre dans une région où le taux de personnes en dessous du seuil de pauvreté est plus élevé que celui de la moyenne nationale, qu'il est aisé de distribuer des leçons de morale pour ceux qui le sont encore, aisés - et dont j'ai le privilège de faire partie. Les autres achètent un prix avant d'acheter un produit, bien loin hélas des préoccupations de l'éthique sur l'étiquette qui ne sont tout simplement pas dans leurs moyens.


La presse féminine, durement accusée de faire le jeu du système, pourtant, d'un papier sur les usines chinoises à un dossier sur le made in France, vit ni plus ni moins que n'importe qui la schizophrénie de notre monde occidental, iPhone à portée de main et mauvaise conscience en bandoulière.

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Une dualité présente sur la couv' de juin de Marie France, entre petits prix qui ont de l'allure et créatrices adeptes du made in France, mais les exemples, comme dans le cas de la tunique AV, seraient légion.

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Où,et surtout comment, a été fabriqué le bracelet repéré par Hélène, de la rédaction de Marie France et sur lequel j'avais moi-même flashé au point de craquer ? Où, et surtout comment, a été fabriqué l'iPad sur lequel je télécharge les magazines plein de petits prix stylés ?

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Quand Grazia, cette semaine, titre sur la fast fashion qui contre-attaque, il est fait mention de style à petit prix (soyons honnêtes, à qui cela ne fait-il pas envie ?) jamais de conditions de fabrication. Quand Marie France consacre un article aux créatrices qui s'attachent à créer et produire en France, à aucun moment il n'est question du prix des produits.

Il sera long, le chemin vers une transparence qui ne servira pas les intérêts de ceux qui ont le pouvoir économiques entre leurs mains...

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Commentaires

Je ne sais finalement ce qui est le plus "immoral" (si tant est qu'on puisse établir une hiérarchisation de la connerie et de l'avidité humaine), les marques comme H&M qui proposent des tee shorts vendus trois francs six sous ? Ou bien une marque comme Benetton qui nous assène à longueur de campagnes de pub bien chiadées, sa bonne conscience, ses principes humains de tolérance et du vivre ensemble et ses leçons de morale ? Et qui ne se vendent pas, pour couronner le tout, au prix de caramels mous. Je crois vraiment que le cynisme de Benetton (pour ne citer que cette marque là, mais d'autres, tels Apple en font autant, comme tu le rappelles)est le pire qui soit, donneur de leçons et esclavagiste à ses heures, mais n'oubliant pas son Dieu tout puissant, celui du profit, bien sûr.

Écrit par : Dom | lundi, 13 mai 2013

@Dom : rien qu'à voir les prix de la collection H&M Conscious, on se dit qu'il y a un problème... Ce cynisme-là, qui est comme tu le soulignes aussi celui de Benetton, d'Apple et de bien d'autres, est nourri par le fait que le souci de l'environnement et de l'éthique devient un élément marketing comme un autre, sans que le fond, toujours plus de profit soit remis le moins du monde en question.

Écrit par : Frieda | lundi, 13 mai 2013

Après c'est clair que l'éthique, tout comme l'écologie sont des problèmes de riches, va expliquer cela à quelqu'un qui vit avec moins de 30 euros par mois, c'est de la responsabilité des marques, mais également la nôtre, privilégiés que nous sommes d'avoir les moyens de notre bonne conscience. (enfin je crois)

Écrit par : Dom | lundi, 13 mai 2013

C'est tellement vrai mais quel est notre pouvoir? Arrêter d'acheter 10 fois le prix? Arrêter d'acheter cheap? Aller uniquement vers du Made in France?
J'ai craqué pour des sneakers Marant l'année dernière. Je ne me suis même pas posée la question du pays de fabrication et un jour horreur de vois Made in China sur la boîte. Et là non désolée mais rien de justifie le prix. Du coup le cinéma sur son site pour prévenir les gens contre la contrefaçon me fait rire. Je comprends que des créateurs qui font faire leur créas par des artisans ou dans des petites usines en Europe se battent contre ça mais qd on fait du Made in China à prix d'or on récolte ce que l'on sème.
Mais comme le dit Dom ce sont des questions de riches.

Écrit par : Wafa | lundi, 13 mai 2013

Difficile effectivement de s'y retrouver. C'est pour cela que je parlais de bon sens dans mon post: à chacun de "sentir" ce qui lui semble le plus juste éthiquement, en fonction de sa propre situation financière, de son envie et de ses principes.
Ce qui me sidère le plus dans les nombreuses réactions que mon post a déclenchées sur les réseaux sociaux, c'est le jugement des autres: comme si nous n'avions déjà pas assez à faire avec notre propre culpabilité...

Écrit par : Café Mode | lundi, 13 mai 2013

Tu résumes très très bien les choses. I
Comme Géraldine, j'ai reçu quelques commentaires assassins sur mon article: "il est temps de se réveiller, c'est bien le moment de pleurer". Heu, non, j'en parle depuis toujours. Il y a 18 mois, j'avais écrit un article sur le coût-minute... mettant en parallèle le salaire au Bangladesh, en Egypte et en France. J'ai eu 1 commentaire. Tout le monde s'en fichait. Quand j'ai parlé des looks de Kate Middleton, j'en ai eu 50.
La solution n'est bien sûr pas de culpabiliser bêtement l'acheteur mais de lui offrir un autre modèle, de valoriser les démarches positives comme la Fabrique Hexagonale, Babel Concept-Store, Merci, etc.
Et là, clairement la presse spécialisée et les blogueurs ont un rôle énorme (je le mets au masculin car les autos ou les jeux vidéos ne sont pas plus "propres" que nos robes).

Bref je suis tellement en colère et triste que j'ai du mal à garder les idées claires alors merci de ton excellent article, de celui de Géraldine, Coco...

PS Wafa, j'adore ton commentaire :D

Écrit par : Stelda | lundi, 13 mai 2013

Exactement ce que je pense. Le pire c'est que je ne vois guère de solutions.

Écrit par : Benedicte | lundi, 13 mai 2013

Je suis d'accord avec toi.
Ce ne sont pas les consommateurs que nous devons mettre en première ligne de tir, ceux qui sont à montrer du doigt c'est tout le système et les marques qui sont à l'origine de ces choix.
J'ai commencé à être plus vigilante en achetant, mais trouver par exemple, des vêtements enfants/femme/homme fabriqués dans des pays où, le travail s'effectue a priori dans de bonnes conditions, et bien, c'est mission impossible. Le pas cher faut oublier et le plus cher aussi...

Écrit par : CECILE | mercredi, 15 mai 2013

@Dom : j'essaie aussi d'y prêter attention, mais c'est compliqué, il faut bien le dire, alors que le prix n'est garantie de rien et que l'info est lâchée au compte-gouttes (pour American vintage qui affiche le lieu de fabrication, combien d'e-shop qui ne le font pas ?).
@Wafa : et même le made in France ne me semble pas une garantie absolue à partir du moment où ce n'est pas forcément du 100 % made in France pour mériter l'appellation (un peu comme pour le bio pas forcément 100 % bio non plus, en cosmétiques notamment). Et même avec de la bonne volonté, on est parfois très tentée, au risque d'oublier les beaux principes...
@Café Mode : ça m'a frappée aussi. Notamment ton post sur Gwyneth et l'épilation, avec un commentaire qui te reprochait de ne pas évoquer plutôt le Bangladesh. Enfin on va pas refaire le débat sur le droit à la futilité en dépit de toute la misère du monde...
@Stelda : je vais aller découvrir tes billets plus anciens, merci encore pour celui publié sur L'Express, qui a enrichi ma réflexion.
@Benedicte : c'est ce qui est assez désespérant, cela ne dépend pas que du consommateur, et les enjeux économiques sont aussi de permettre aux pays à bas coût de survivre, même si on parle hélas ici plutôt de survie que de vie. La progression sera très lente pour ce qui est d'améliorer le niveau de vie de ces pays, alors que dans le même temps le nôtre va globalement en se dégradant...
@CECILE : comme le prix n'est même pas un indice, que les règles du "made in" sont opaques (un peu comme la viande de cheval dissimulée dans le boeuf), avec la meilleure volonté, on n'est de toutes façons sûr de rien. Mais une robe de la collection "Conscious" d'H&M vendue moins de 20 euros amène cependant à s'interroger sur la sincérité de la démarche, à tout le moins !

Écrit par : Frieda | mercredi, 15 mai 2013

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