mardi, 17 décembre 2013
L’énigme
Je marche machinalement dans la rue en longeant les vitrines. Une porte s’ouvre et une paire d’escarpins en sort, montée de deux jambes racées, elles-mêmes disparaissant sous une robe noire ajustée. Je lève les yeux et une chevelure noire ondule dans un mouvement de rotation.
La silhouette s’immobilise et se regarde dans la vitrine en jaugeant la couleur de plusieurs pelotes de laine à la lumière du jour.
Intrigué, je reprends le contrôle de mes pas et je ralentis. Je peux maintenant jauger l’apparition. Bel équilibre entre élégance et sensualité pour cette Parisienne. Elle oscille lentement en penchant la tête comme pour valider son choix. La vendeuse apparaît sur le pas de la porte, attendant la sanction.
« Je vais prendre la couleur noire, cela m’ira bien et je la ferai au crochet ».
Le crochet ! C’était l’occupation des femmes avant l’arrivée de la télévision et du téléphone portable. Je dois avoir mal compris.
« Il faut prendre du dix, ce sera parfait » répond la vendeuse.
Elle fait du crochet, Mon Dieu !
Evitant de couper son champ de vision, je passe derrière elle et frôlant son dos, je sens son parfum qui m’est familier : « Tubéreuse Criminelle » de Lutens.
Stimulation olfactive irrépressible, et mon imagination d’homme s’emballe.
Je tente de l’imaginer assise dans un fauteuil entourée de napperons dans une pièce ou les murs sont couverts d’assiettes décoratives, portant un châle et chaussée de pantoufles, ses mains œuvrant avec agilité au rythme des battements d’une horloge.
Impossible de construire ce tableau….
Je fais fausse route car pas un détail de sa personne ne trahit une grand-mère qui se serait déguisée en cette femme élégante.
Mon imagination contrariée décide de se retrousser les manches. Je vais résoudre « l’énigme de la femme au crochet ».
Je tente une réduction du champ de vision.
Comment bougent ses mains armées de crochet ?
En retour, j’ai l’interrogation : « Que fait-elle de ses mains ? »
Perturbant…
Alors je me demande « quand fait-elle du crochet ? » et mon esprit me répond « que fait-elle de ses nuits ? »
Je suis dans une impasse, je conçois cette femme trop sage, ce qu’elle n’est certainement pas.
Je dois me résigner à admettre qu’une femme qui fait du crochet, peut être belle secrète, et endiablée.
Allons dans ce sens…
Je vais m’en sortir en imaginant l’objet qu’elle avait pour but de fabriquer…
Ma pensée se tend, et…
« Des menottes » me viennent à l’esprit. Délicieuse solution car maintenant mon imagination n’est plus bridée.
« Oui des menottes en tricot », car en les portant, cette contrainte symbolique l’autorise à être une autre femme improbable dans les bras de son amant.
Plus de mari ennuyeux et de lit conjugal à l’horizon car trop conventionnel, seul un amant exigeant peut faire l’affaire.
Comment exprime-t-elle sa jouissance ainsi mentalement maintenue dans le don de son corps ?
Je me plais a la rendre infatigable tantôt soumise ou active dans ses ébats, seulement habillée de ces quelques grammes de laine qu’elle s’est façonnés.
L’habit ne fait pas le moine.
Le crochet non plus.
10 décembre
***
Les (jolis) mots et les photos sont de lui.
La création et la réalisation de l'ouvrage au crochet sont de moi.
Les cours de cette si créative technique m'ont été dispensés par elle.
Le rouge à lèvres est de chez Chanel.
Vive les travaux manuels !
13:00 Publié dans Fashionneries, On va voir ce qu'on va voir, Tout en couleurs ! | Lien permanent | Commentaires (6) | del.icio.us | Facebook
Commentaires
J'A_DO_RE !!! L'histoire, la mise en scène des photos, l'imagination de l'homme en émoi, l'idée des menottes au crochet, c'est fou, c'est débridé, ça sort du cadre, j'adore. Point barre. :))))))))))))))))))) Et je ris depuis 10 min !!!
Écrit par : Esther | mardi, 17 décembre 2013
Excellent!
Écrit par : Romanemone | mercredi, 18 décembre 2013
Seul, un esprit libre peut écrire un beau texte comme celui-ci. Des jarretelles avec ça ?
Écrit par : Élisabeth | mercredi, 18 décembre 2013
Coquine !
Écrit par : maarie | jeudi, 19 décembre 2013
@Esther : ça sort du cadre ? J'adopte l'expression !
@Romaneùone : merci pour ce commentaire qui m'a permis de découvrir Agathe Rose ! (c'est bien toi ?)
@Elisabeth : esprit libre, c'est bien le mot. Pour les jarretelles c'est à voir. Ou non. Libre on a dit ^^
@Maarie : :)
Écrit par : Frieda | samedi, 21 décembre 2013
Salut,j'aime beaucoup l'histoire et je l'ai trouvé très drôle, je voulais savoir si tu avais les instruction pour les menottes au crochet ? On va enterrer la vie de jeune fille d'une amie et je me suis dis en lisant ton artile que ça pourrai la faire rire d'en avoir.
Merci pour ton aide.
Écrit par : Gabysyll | samedi, 15 février 2014
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