Spécial, annonce ce numéro de ELLE sorti il y a tout juste 40 ans, le 17 juin 1968. Seulement 32 pages en noir et blanc avec quelques touches de orange et pas une seule pub pour un numéro qui compte pourtant triple, puisqu'il est affiché étant le 1171-1172-1173. Le cours de choses a été bousculé.
On va dès la deuxième page à l'essentiel. Robert Kennedy a été assassiné. Sur une petite photo, on le voit poser en famille avec son épouse et leurs dix enfants. Le onzième, une fille, naîtra en décembre 1968.
Elle s'est agenouillée. Il y a avait du sang, du sang. Elle a murmuré : "Mon chéri, je suis là." Le brouhaha, les reporters, la lumière blanche de la télévision, toujours présente, et le destin, l'atroce destin qui passe. Maintenant elles sont deux. Ethel Kennedy, après Jacqueline Kennedy écrit Stanislas Fontaine.
Jacky, le regard perdu, revit d'atroces souvenirs. Dallas, le sang indique la légende photo.
Pages suivantes, on trouve un sommaire orange et un long édito signé Hélène Gordon-Lazareff, dont voici un extrait :
La crèche de la Sorbonne accueille les enfants des étudiants, dans six salles situées au troisième étage du bâtiment principal, loin du tumulte des amphis.
Créée pour répondre à l'urgence au début des événements, cette garderie ne sera pas provisoire,
les étudiants tiennent à en faire un service. Soixante enfants de 3 mois à 8 ans y sont accueillis.
Albertine-Colombe a six mois, et il s'en est passé sous ses fenêtres.
A la première grenade, au lit avec un somnifère, raconte sa mère, Denise Dubois-Jallais, rédactrice à ELLE.
Mais qu'est-ce qu'ils veulent, s'est-elle demandé. J
e me reprochais de ne pas m'être intéressée à leurs problèmes, de ne pas être au courant de leurs revendications, de n'avoir pas suivi leur actualité, pas à pas. D'avoir pu confondre le chahut périodique de leurs bizuthages et celui de leurs manifestations. Sébastien, 7 ans, n'osait pas répéter en criant ce qu'il considérait comme une formule parfaitement grossière. Mais il trépignait : "Allez vous-en imbéciles ! " à la police.
Denise Dubois-Jallais évoque aussi la fille aînée de son mari, 17 ans, qui lui a dit : Tu sais, si je ne suis pas révolutionnaire maintenant, je me connais, je ne le serai pas dans cinq, six ans, alors j'en profite.
Pour illustrer l'article, la photo d'une petite fille. Approximativement, même âge, même coiffure, même allure que ce qui devait être les miens en 68. Mais je n'avais pas de parents manifestant dans les rues de Paris...
Marie-Madeleine Dienesch est secrétaire d'Etat à l'Education nationale. Elle voudrait voir plus de femmes ministres, ne considère pas que le fait d'être une femme ait nui à sa carrière mais déplore que l
es hommes donnent des complexes aux femmes en leur faisant croire que la politique est une chose horriblement compliquée à laquelle elles ne comprendront jamais rien.
Ariane a 17 ans et demi, elle est
brillante élève de terminale au lycée X. Son père, 43 ans, a connu une
enfance pauvre, une
cruelle adolescence de guerre et
met un point d'honneur à lui ménager une jeunesse confortable et sans souci. Ariane ne va pas passer le bac comme prévu, elle ira en stop au lycée, y faire
de la politique, contre l'avis de son père. Faute d'essence, il finira par l'accompagner à vélo à une réunion d'informatin à laquelle sont invités les parents.
Bon, mais la mode, alors ?
C'est un choix, explique Claude Berthod.
En dix ans, les bottes, les capes, les jupes-culottes sont devenues aussi courantes, aussi naturelles que les berlingits de lait en craton et les mouchoirs Kleenex. Dans dix ans, on s'étonnera... de nos étonnements devant les pionnières qui vont aujourd'hui travailler en pantalon, ou des fastidieuses batailles de l'ourlet rallumées à chaque saison : jupes courtes ou moins courtes ? Mais vous ne demandez la permission de personne pour porter vos cheveux longs ou courts, vous choisissez ce qui vous va le mieux !
La mode est en Bon Magique : t-shirt, bermuda, ceinture, sac fourre-tout, pantalon, chemisier, jupe, foulard...
Le
piqué est
frais, net, idéal pour la ville. Robe et manteau sont assortis.
Les
Ellettes passeront l'été en robes
lavables, gaies et pas chères.
En maxi-fleurs, imprimé chapêtre ou carreaux...
L'horoscope ferme le bal. Il est signé Francesco Walner et illustré par Roman Cieslewicz.
Vivement lundi prochain !