jeudi, 06 décembre 2007
Bottines de Colette et fille sur les toilettes
Suite à mon ode à Nancy Cunard, Soffi a fait des recherches, et m'a donné en lien ici un joli diaporama de Lartigue. D'où il ressort que Nancy n'était pas la seule à porter le bracelet abondant. J'aime particulièrement la modernité de celle-ci, qui avait bien retenu la leçon de l'époque d'envoyer son corset par dessus les moulins, sans pour autant se bander les seins façon garçonne :
Et j'adore aussi celle-là, où comment la jouer glamour jusque sur le siège des toilettes :
J'aime la mode des années 20, plus que n'importe quelle autre, je crois, et ce n'est pas seulement pour la mode. Peu d'époques ont connu une vie artistique aussi intense...
Mais j'aime aussi depuis longtemps l'écrivain Colette, pas seulement pour son style étincelant, mais pour toutes ses vies, aussi. Il était dit que cette journée de jeudi serait décidément placée sous le signe de mes héroïnes rétro. L'une de mes amies m'a en effet offert un livre trouvé par elle à l'occasion du déstockage d'une bibliothèque.
Un très précieux cadeau : ce livre date de 1991 et est aujourd'hui épuisé. Les textes sont de Colette, les dessins et Sonia Rykiel, et on y trouve aussi beaucoup de photos.
L'une d'elle est célèbre, elle présente Colette dans l'institut de beauté qu'elle avait ouvert en 1932 rue de Miromesnil et qui fut un fiasco. Peut-être trop en avance sur son temps : le merchandising en était très moderne.
On trouve aussi un très beau texte sur Gabrielle Chanel, dont voici un extrait : "Mlle Chanel est occupée à sculpter un ange de six pieds. Un ange blond doré, impersonnel, séraphiquement beau si l'on ne prend pas garde à sa séraphique ciselure, l'indigence de sa chair, et morne - un de ces anges à porter le diable en terre. L'ange, inachevé, chancelle parfois sous les deux bras créateurs, sévères, pétrisseurs, qui le pressent. Chanel travaille des dix doigts, de l'ongle, du tranchant de la main, de la paume, de l'épingle et des ciseaux, à même le vêtement qui est une vapeur blanche à longs plis, éclaboussée de cristal taillé. Parfois elle tombe à genoux devant son oeuvre et l'étreint, non pour la révérer, maispour la châtier encore, pour resserer sur les hautes jambes de l'ange son nuage, assagir quelque expansion de tulle..."
Un autre texte m'a enchantée, il est intitulé Poches vides et évoque le mois de janvier, qui n'était alors pas celui des soldes. "Janvier, mois des poches vides ! La neige, en haut des monts, nous appelle, mais tout se paie, et la neige est aussi chère que le marabout blanc. (...) Il faut aviser, disent les femmes. Elles avisent. Entre janvier et mars, madame, vous renconterrez vos amies parées de neuf, et vous vous récrirez, avec une outrance dans la louange qui forcera l'explication : "Ca ? répliquera l'amie, mais c'est mon trois pièces de chez X..., voyons ! Il a quinze mois, ma chère, et je n'en rougis pas !" Ceci se chante s'une voix probe, haute, franceh, qui s'adoucit, se fait négligente pour ajouter : "Avez-vous remarqué que les nouvelles collections reprennent justement ce détail de l'encolure et le croisé de la jupe ? C'est assez curieux. " Poches plates, coeurs gros - c'est le mois des grandes résignations féminines." Impossible de parler mode sans évoquer les chaussures. Dans sa jeunesse, Colette portait ce genre de chose :
Voilà qui n'est pas sans m'évoquer Benetie, qui a regagné Déprimeland suite à son récent séjour parisien, munie de ceci :
Un peu moins de talon, beaucoup plus de zip et bien davantage qu'un air de famille d'un modèle à l'autre. La mode n'est bien qu'un éternel recommencement.
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Aux bras de Nancy Cunard
Un peu comme pour ma note sur les années 40 revisitées dans les 70's, voilà des semaines que je mûris mon billet sur les bracelets. Tout est parti de la Fashion week, lorsque j'ai pris conscience sur le blog de Coco que les bracelets tintinabulants (ces mêmes bracelets qui murmurent aux pieds de Couleur Café, selon Gainsbourg) allaient revenir en force. Pour preuve, ci contre et ci-dessous, chez Christian Lacroix :
Une photo m'est revenue en mémoire à ce moment précis, celle-ci :
Il s'agit de Nancy Cunard, photographiée par Man Ray, dans les années 20. Cette photo me fascine depuis longtemps. Par sa modernité, mais aussi pour la personnalité que dégage cette Nancy. D'elle je n'ai jamais su grand-chose, cependant. J'en étais donc toujours là de ma note, quand est arrivé le magnifique numéro de Vogue de décembre, avec Charlotte Gainsbourg en guest-star. Vers la fin du magazine, elle est là, Nancy Cunard. Avec cette autre renversante photo.
Et toujours ces bracelets. Désormais, grâce à Charlotte, qu'elle "fascine", j'en sais un peu plus sur cette femme hors du commun. Rien que l'accroche du papier de Nelly Kaprielian pour Vogue et on a déjà le tournis : "Poétesse, amante d'Aragon, Tzara, T.S. Elliot, découvreuse de Beckett, modèle de Brancusi et Man Ray, muse de Pablo Neruda, amie d'Hemingway et Picasso, milliardaire engagée pour la cause des Noirs et contre le fascisme..." Sa biographie est récemment parue aux Etats-Unis, et vraisemblablement, elle décoiffe : "Des hommes il lui en pleuvait dans les bras tant qu'elle voulait - et elle en voulait, et elle en a voulu, jusqu'à sa mort en 1965, à 69 ans (ses amants avaient alors 25 ans...). Et elle les trompa tous, peut-être aussi addict au sexe et à la séduction qu'elle le fut à l'alcool, qu'elle consommait par avalanches mais sans aucun laisser-aller, toujours hiératique dans ses manières aristocratiques et les robes Poiret, Worth et Vionnet que sa mère, la richissime Lady Cunard, lui donnait et qu'elle ne manquait pas de paratager avec ses copines "flappers" dans le Paris des années 20." L'article évoque aussi Aragon, qui tenta de se suicider à la fin de leur histoire en 1928 et écrivit pour elle ses plus beaux poèmes, ainsi que le reconnut même la pourtant grande jalouse Elsa Triolet. Nancy Cunard tourna le dos à sa famille pour le musicien de jazz noir américain Henry Crowder, pour qui elle quitta Aragon. C'est à lui qu'elle dut de passer du statut de muse sophistiquée à celui d'activiste politique. Consumée par l'alcool et ses idéaux de liberté déçue, elle sera retrouvée par la police, dans la rue, squelettique, inconsciente et la tête fracassée, le 13 mars 1965. Ni sa famille, ni Beckett, ni Aragon, ni aucun de ses célèbres amants ne sera présent à ses funérailles.
Soit Tout ça n'est finalement pas bien gai. Et ses bracelets, alors ? Ses fameux bracelets étaient d'ivoire africain. Elles les accompagnait de turbans.
Nancy Cunard ne portait pas seulement les bracelets à merveille. C'était aussi une adepte du blouson de cuir, en témoigne cette photo prise à Harlem en 1932. Laquelle se passe de commentaire.
En vue de l'arrivée de ce printemps, j'ai commencé à rassembler les bracelets. Je sais, ils ne sont pas d'ivoire africain et même en les démultipliant dans un miroir, je suis encore très loin du compte.
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jeudi, 20 septembre 2007
L'élégance surgie des ruines
J'ai donc repris Les Années 40 d'Anne Bony, afin de faire un petit tour de ces tendances de mode d'il y a 60 ans qui font un grand retour en cet automne 2007. Le chapitre mode y est rédigé par Yvonne Deslandres et est, comme toujours, très documenté.
Sous l'Occupation, se préoccuper de son apparence était un défi, l'anecdote des femmes qui se peignaient les jambes faute de bas est restée dans les mémoires. "Dans ce climat sinistre, la mode semble une réaction de survie. Jamais les chapeaux ne furent plus extravagants : les Allemands en viennent à se demander ce que les Françaises auraient posé sur leur tête si leurs maris avaient gagné la guerre" écrit Yvonne Deslandres. Le chapeau est alors une des pièces maîtresses de la tenue. On en est très loin aujourd'hui. Mais à partir de1942, le turban tient sa place. Ce turban cher à Simone de Beauvoir et qu'on a vu réinvestir les podiums dernièrement. La guerre finie, il s'agit de croire en l'avenir. La pénurie de matières premières favorise l'avènement des matières artificielles, ce qui n'est pas sans conséquences sur la manière de concevoir les vêtements. Tout reste à faire. La photo de Cecil Beaton, Mode dans les ruines (1945) est, à ce titre, saisissante.
Les années 40, ce sont des robes. Des robes de jour, comme, à gauche, celle de Maggy Rouff, imprimée de semis de petites fleurs, finement plissée aux épaules, jupe drapée et nouée sur un côté (1940). Des robes du soir, drapées ou plissées le plus souvent, comme celle de Marcelle Alix, un fourreau finement plissé avec encolure en V.
La silhouette est très féminine, la taille est à sa place et très marquée, très ceinturée. Exemple sur une robe signée Grès, en jersey cerise de Rodier, 1949. En matière de coiffure, le long sophistiqué et cranté reste emblématique de l'époque. Veronika Lake, l'une des actrices phares de cette décennie, le porte à merveille.
Et puis il y a les chaussures, d'incroyables chaussures. Elles méritent bien une note à elles seules. J'y viens.
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mardi, 18 septembre 2007
On revisite les 40's !
Je savoure la manière dont Mathilde nous dissèque depuis quelques jours sur son Alba blog, son gros ELLE iouké. Sa note sur les années 40 revisitées en cet automne 2007 m'a donné envie de m'y replonger, notamment pour revoir la manière dont elles avaient été, au tout début des 70's, décodées et recodées par Yves Saint Laurent. Pour commencer, je me suis tournée vers mes gros bouquins d'Anne Bony, qui a brillamment revisité depuis plus de 20 ans la vie culturelle et les arts au XXe siècle, décennie par décennie.
Et là, je me suis aperçue qu'une seule note n'y suffirait pas. Il y a beaucoup à dire sur la modernité des silhouettes.
Quant aux chaussures... Ah, les chaussures !
Je commencerai donc par les années 40, les vraies. Je passerai ensuite aux années 40 dans les 70's, chez Yves Saint Laurent en particulier. Puis viendra la tendance années 40 de 2007.
Eh bien Mathilde, sans le faire exprès, tu m'as donné bien du boulot...
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jeudi, 09 août 2007
Biker ou cocotte ?
Plus j'avance dans la vie (bon d'accord, plus je vieillis, quoi) et plus je vois réapparaître des tendances que j'ai déjà croisées.
Il y a quelques jours, Géraldine de Café Mode évoquait les bottes de biker du Comptoir. Ca m'est tout de suite revenu : lors de l'hiver 92/93, les bottes de biker étaient un must. Qu'est-ce que j'avais donc aux pieds, cet hiver-là ? Je n'en sais plus rien. Je ne crois pas avoir alors cédé alors aux bottes de biker, qui avaient pourtant pas mal d'atouts pour me séduire. J'ai oublié pourquoi.
Je ne sais pas encore si je le ferai cet hiver. Pour le moment, je serais davantage attirée par les bottines de cocotte 1900. Celles-là aussi, elle ressurgissent, j'en ai trouvé sur Sarenza, de la marque Chie Mihara (même si j'en ai aussi, au passage, repéré de la même marque, très 70's revisitées mais au départ, là n'était pas le propos).
Et la bottine de cocotte, je suis sûre, j'ai déjà donné, j''ai déjà porté.
Pour vérifier que ma mémoire ne me jouait pas des tours, je suis allée fouiller dans ma doc perso. Où il n'y a pas que des vieux ELLE, mais pas mal d'autres titres aussi dont une vingtaine de Marie-Claire Bis. Celui-là sortait en début de saison, deux fois par an, un vrai de vrai magazine de décryptage des tendances que je ne ratais jamais. Je ne sais plus exactement quand il a été arrêté, au milieu des années 90 je dirais - ainsi que d'autres dont j'aurai l'occasion de reparler - me laissant assez colère. Mais rien à voir avec ce Marie-Claire2 consacré aux accessoires et qui me tombe des mains depuis quelques saisons tellement cette sorte de catalogue insipide est six pieds en dessous de feu l'irremplaçable Bis.
Et dans le Bis de l'hiver 92/93 - rien que la couv' m'enchante et je précise que les taches de peintures ne sont pas de moi, c'est le graphisme du magazine - elles sont là, les bottes de biker, signées Free Lance.
Et le plus fort, c'est que les bottines de cocotte y sont aussi, en agneau glacé et signées Clergerie.
Pour comparer, je suis allée regarder dans ma bible ELLEsque, le N° 2436, spécial mode du 7 septembre 1992. Les bottines de cocotte y ouvrent le bal de la série Elle flashe sur les pompes, elles sont en veau velours, entièrement lacées à talon légèrement bobine de 5 cm. Elles sont signées Dior.
Au dos de cette page, la tendance biker est quant à elle bien représentée aussi avec une double page intitulée Génération motard qui recommande notamment un modèle de bottes hautes et moulantes en cuir entièrement lacées, resserrées par trois boucles, semelle en gomme épaisse de chez Chanel.
15 ans pile. Assez pour permettre une découverte aux nouvelles générations de modeuses. Assez pour avoir envie de s'y remettre (ou pas) pour les plus anciennes.
11:20 Publié dans Ca me dit quelque chose | Lien permanent | Commentaires (5) | del.icio.us | Facebook